Principaux résultats
Les progrès majeurs apportés par l’activité de l’observatoire sont résumés ci-dessous en lien avec les questions scientifiques :
Quantification et intensité du transport solide : Les travaux de Mathys (2006), Liebault et al. (2019) et Esteves et al. (2019) ont mis en évidence des concentrations de sédiments en suspension et des flux charriés très élevés sur l’observatoire Draix-Bléone.
Saisonnalité de l’érosion et des exports sédimentaires : Rovera et al. (2005) puis Ariagno et al. (2021, in review) ont montré le rôle du gel dans l’érosion des marnes. Bechet et al. (2016) et Mathys (2006) montrent que l’érosion des bassins marneux suit un cycle saisonnier avec production de matériel sur les versants l’hiver puis mobilisation des sédiments par les averses intenses de fin de printemps, transfert vers les drains pendant l’été, avec une vidange des lits d’amont en aval par les crues d’automne plus longues. Navratil et al. (2012) et Esteves et al. (2019) montrent qu’à l’échelle de bassins de moyenne échelle, les exports sédimentaires ont lieu à deux périodes pour deux raisons bien différentes, en fin de printemps-début d’été du fait de fortes concentrations en MES associées à de très faibles débits liquides et en hiver du fait de faibles concentrations associées à des débits forts.
Effet de la pluie sur l’érosion : Mathys et al. (2005) ont montré que l’érosion à l’échelle d’une parcelle était pilotée par l’intensité et l’énergie cinétique de la pluie.
Quantification et rôle des stocks de fines dans les rivières : Navratil et al. (2010) ont mis en évidence que les stocks de fines présents dans les lits de rivières alluviales étaient considérables et pouvaient correspondre à une année entière de flux de MES. Ces résultats ont été confirmés par le modèle conceptuel ajusté par Park et al. (2019) sur les séries temporelles de débit et de MES du bassin du Galabre. Misset et al. (2019a et b) soulignent que la contribution des stocks de fines présents dans les rivières aux flux totaux de MES mesurés aux exutoires dépend de la mobilité des éléments grossiers. Ces résultats illustrent la nécessité de suivre à la fois les flux en suspension et de charriage.
Rôle des processus d’abrasion/floculation dans le transport solide : Grangeon et al. (2012) ont montré que les MES étaient majoritairement des agrégats qui subissent de la désagrégation/abrasion au cours des montées de crue (Grangeon et al., 2014) et tendent à floculer au cours des décrues. Le Bouteiller et al. (2011) ont aussi montré que les marnes étaient très sensibles à la fragmentation et l’abrasion, les flux de charriage pouvant conduire à la production de MES pendant les crues. Enfin Wendling et al. (2016) ont mis évidence l’importance de la nature des sols érodés (i.e. sols développés sur marnes, calcaires ou molasses) dans l’explication de la variabilité des tailles des MES par abrasion ou floculation. Cela souligne l’intérêt de caractériser la nature des MES en plus de leur concentration pour bien comprendre la dynamique de transfert des MES et estimer leurs temps de transit.
Rôle de l’usage et des types de sol sur l’hydrologie et sur l’érosion : Cosandey et al. (2005) ont montré combien la forêt affectait les crues sur le bassin du Brusquet, tandis que Mallet et al. (2020) ont relié la variabilité de la teneur en eau du sol à la couverture végétale. Une différence de production sédimentaire de deux ordres de grandeur entre un bassin marneux dénudé, le Laval, et reboisé, le Brusquet, a été rapportée par Mathys et al (1996) et attribuée principalement à un renforcement de la cohésion des sols selon Carriere et al. (2020). A l’échelle d’un bassin versant de moyenne échelle (i.e. le Galabre), Poulenard et al. (2012) et Legout et al. (2013) ont mis en évidence la contribution au moins aussi importante des badlands développés sur molasses que ceux développés sur marne dans les flux de MES.
Liens entre végétation et stabilisation du sol, piégeage de sédiments : Erktan et al. (2015) ont montré que la stabilité structurale des sols développés sur marne augmentait en lien avec les types de végétaux et les carcatéristiques des racines. Burylo et al. (2012a, 2012b) ont relié les traits des végétaux à leur capacité à résister à l’érosion ou à l’enfouissement. Des méthodes opérationnelles de piégeage des sédiments avec des ouvrages de génie biologique ont été testées par Rey and Burylo (2014).
Cycle du carbone : Copard et al. (2019) ont montré que l’érosion des marnes contribuait significativement aux flux de carbone organique particulaires du Rhône tandis que Soulet et al. (2021) ont quantifié les flux de CO2 issus de l’altération des marnes in-situ et montré leur dépendance à la température.
Chemins de l’eau dans les bassins marneux : Cras et al. (2007) ont utilisé des traçages isotopiques et hydrochimiques pour mettre en évidence le rôle prépondérant des écoulements de surface d’eau événementielle dans les écoulements de crue sur les bassins de Draix. Marc et al. (2017) ont montré que la recharge des eaux de subsurface du glissement du Laval provenait essentiellement de la pluie, contrairement à d’autres glissements de terrain.
Développement et calibration de modèles numériques pour décrire les flux de sédiments : Les données du Laval et de la Roubine ont permis pour la première fois d’évaluer l’aptitude du modèle à base physique Telemac à reproduire les flux de MES à l’exutoire de petits bassins versants montagneux (Taccone, 2018). Uber et al. (2021) a utilisé les données acquises sur le Galabre pour évaluer comment les choix faits lors de la construction d’un modèle numérique à base physique impactait la variabilité temporelle des flux de MES modélisés en sortie de bassin de moyenne échelle.
Développement, test et validation d’instruments et méthodes de mesure :
- le développement d’un turbidimètre à base de fibre optique capable de mesurer des concentrations en MES de plusieurs centaines de grammes par litre. Développés par des collègues de l’université d’Aix Marseille, ces capteurs sont installés aux exutoires des bassins du Laval et du Moulin (Bergougnoux et al, 1998).
- le développement du Système de Caractérisation des Agrégats et des Flocs (SCAF, brevet WO2015055963 - 2015-04-23, Wendling et al., 2015) qui permet de mesurer, de manière automatisée directement dans les échantillons d’eau de rivière collectés par les préleveurs automatiques, les distributions de vitesses de chute des MES ainsi que leurs propensions à floculer. Ces dispositifs sont actuellement installés à l’exutoire du bassin du Galabre. Disposer de ces mesures permet à la fois une meilleure compréhension des processus de dépôt et de réduire le nombre de paramètres à calibrer dans les approches de modélisation à base physique.
- le développement méthodologique d’une méthode de traçage low cost de la nature lithologique des MES par spectrocolorimétrie (Legout et al., 2013), qui a permi dans la thèse de M. Uber (2020) d’aborder les liens entre variabilité spatiotemporelle des pluies et réponse hydrosédimentaire des bassins versants de moyenne échelle.
- le développement d’un capteur autonome low cost de mesure des températures, conductivités électriques et teneurs en eau du sol dans le cadre de l’Equipex CRITEX (WP 2.3., X. Chavanne), associé au déploiement de fibres optiques pour mesurer les teneurs en eau du sol de manière plus spatialisée (WP3, J. P Mallet). Ces prototypes sont actuellement installés sur le site de Draix entre les bassins du Laval et du Moulin.
- le développement d’une plateforme intégrée de suivi hydrosédimentaire (Riple) dans le cadre de l’Equipex Critex (Nord et al., 2020). Actuellement installée sur le site du Galabre, cette plateforme a été définie dans le but de permettre le suivi en continu et à haute fréquence ( 10 min) des flux d’eau et de sédiments (fins et grossiers) dans les rivières de montagne.
- le développement d’un capteur limnigraphique (ELLAN ; Olivier et al., 1995) spécialement adapté aux transports solides intenses. Le principe de ce capteur repose sur une échelle d’électrodes qui sont successivement connectées à mesure que le niveau d’eau s’élève. Il a fait l’objet de deux brevets (limnigraphe électronique FR2638521 ― 1990-05-04 et FR2657691 ― 1991-08-02).
Mis à jour le 16 juin 2023